Mon inspiration pour le modèle de patchwork « Jeu de Miroir » vient d'une source qui peut sembler improbable : une œuvre littéraire du XVIe siècle intitulée L'Heptaméron de Marguerite de Navarre. (En fait, j’ai eu plusieurs sources d'inspiration, mais celle-ci est la première d'entre elles.) Ce recueil de contes est composé de dix histoires par jour, pendant 7 jours. Chaque jour, dix narrateurs (ou conteurs) racontent tous une histoire. La structure littéraire est donc faite de petites parties, qui regroupées et encadrées, créent la structure plus large : les contes sont « contenus » à l'intérieur du jour, puis les jours sont « contenus » à l'intérieur de la collection entière. Cette structure littéraire s’est immédiatement transformée dans mon esprit en segments visuels dans une structure de mise en abyme, telle que vous la voyez dans le modèle de patchwork.

Par exemple, on voit dans le patron que la pièce A est flanquée par les deux pièces B (qui sont de la même taille que la pièce A) puis enclose en haut par la pièce E. Cette petite collection de « contes » B/A/B est ensuite entourée par les pièces C et F. Enfin, cette structure est entourée à son tour par les pièces D et G. Parce que tous les contes de L’Heptaméron sont de valeurs égales, il est important que la mini-collection initiale des pièces A et B soit de la même taille pour représenter cette égalité de façon visuelle. De plus, il y a sept pièces alignées sur l’axe vertical (D/C/B/A/B/C/D) pour les sept jours de contes dans L'Heptaméron.

Au fil du recueil, les conteurs deviennent plus expérimentés dans la narration, ce qui me laisse imaginer que chaque jour les histoires s'allongent un peu. Ainsi, les pièces C sont plus longues que les pièces B, et les pièces D sont plus longues que les pièces C.

Cette mise en abyme, une structure interne répétitive, explique aussi pourquoi j'ai créé et assemblé les blocs comme je l'ai fait. Mon objectif avec le patron n'est pas d'avoir un grand et long bloc central, mais plutôt d'avoir des blocs plus petits qui permettent aux couturiers/couturières de jouer avec le placement des imprimés en coupant soigneusement (« fussy cutting »), par exemple. Cela explique aussi le nom du patron – « Jeu de Miroir » – car les gros blocs sont assemblés de manière à pouvoir se refléter le long de l'axe vertical.

Depuis vingt ans, je nourris une légère obsession pour L'Heptaméron de Marguerite de Navarre. Je ne me souviens pas l’avoir lu pour la première fois pendant mes études, ou juste après, mais ce recueil de contes ne cesse de m'inspirer. Pour ce patron de patchwork, en particulier, j'avais en tête le conte numéro 32. Ce conte ne m'a pas tellement inspiré à cause de son intrigue, mais plutôt de part ses descriptions visuelles d'objets tenus par d'autres objets. L'ambiguïté d'un étui ou d'une boîte censée protéger, mais qui cache et emprisonne aussi les objets, m'intrigue continuellement. En effet, sans ouvrir la boîte et ainsi rompre leur protection, les objets sont hors de vue et hors de portée.

Ce thème d'un contenant qui peut à la fois cacher et montrer ses objets m'amène à une autre grande inspiration pour ce patron de patchwork : les boîtes (« shadowboxes ») de l'artiste Joseph Cornell. Comme de simples mots ne suffisent pas à rendre justice à son travail, je vous invite à regarder certaines œuvres exposées dans divers musées. J'ai été particulièrement inspiré par ces trois œuvres détenues par l'Art Institute of Chicago : Nouveaux Contes de Fées, Untitled (Crystal Cage) et L'Egypte de Mlle. Chloé de Merode…. Vous pouvez admirer d'autres exemples de ses œuvres au Museum of Modern Art.

J'espère que vous avez apprécié découvrir le fond de l'inspiration du patron « Jeu de Miroir » et peut-être cela vous donnera-t-il quelques idées pour votre propre interprétation. En écrivant ce blog et en revenant à mes sources, j'ai au moins une douzaine de nouvelles idées pour ma prochaine version. Maintenant, il faut trouver le temps !!